MUSIQUE. VENDREDI 30 ET SAMEDI 31 JANVIER A 20H A L’INSTITUT DU MONDE ARABE (Ve). 12/18/22€.
Deux concerts mettent en valeur la richesse de la musique arabo-andalouse développée au nord du Maroc.
Les premiers enregistrements d’ensembles féminins marocains datent des années 1940. Toutefois, la constitution d’orchestres de femmes, se produisant dans des soirées familiales, remonte au XIXe siècle. À Tétouan, le conservatoire, créé en 1940, aidera à la formation de toute une génération de cantatrices. Abdessadek Chekkara (mort en 1998), maître absolu et créateur du nouveau style d’exécution de la chanson populaire, évoquait avec beaucoup de respect le nom de Mennana l-Kharraz, femme qu’il reconnaissait comme étant son inspiratrice dans cet art.
À la même époque, Chekkara avait enregistré, sur 45T, avec la chorale féminine du conservatoire, la fameuse chanson Chamsou laâchia (« Le coucher du soleil »), sur le mode çan’a. Celle-ci connaîtra une grande diffusion et participera à l’édification d’une image nouvelle et positive d’un Maroc soucieux de modernisme.
Dans les grandes villes, à partir des années 1980, les familles commencent à tolérer le mélange des sexes et à accepter les orchestres d’hommes même pour des fêtes réservées aux femmes. Ceci va jouer un rôle important dans le choix des répertoires. Les femmes penchent vers des rythmes vifs et dansants et ne tolèrent point les séquences longues et fastidieuses de la âla. Conséquence logique : on demande aux formations traditionnelles de faire des concessions et d’introduire les chants populaires citadins.
La séance musicale d’une formation féminine s’ouvrait souvent avec le répertoire de laâla ou un panégyrique. Puis, juste après, venait le mawwal, pour installer le mode (tab’) de la pièce qui suivait. Le tout se base sur un dialogue entre la voix solo et les instruments et utilise un mode bien déterminé. Ensuite, on peut interpréter une seule chanson ou un enchaînement de diverses chansons, généralement dans le même mode. Comme on peut interpréter un chant dans un mode donné et le transposer dans un mode différent durant la même prestation. (d’après Omar Métioui).
La musique arabo-andalouse est le résultat d’un métissage entre la musique arabe venue de l’Orient, la musique afro-berbère du Maghreb et celle pratiquée dans la péninsule Ibérique, avant l’an 711, date à laquelle Tariq Ibn Ziyad traverse le détroit pour conquérir Al-Andalus. Cette région, terre de brassage entre plusieurs civilisations donne alors lieu à l’éclosion sans précédent d’un art musical qui connaîtra un développement fulgurant, pendant plus de huit siècles, aussi bien en Andalousie qu’au Maghreb, avec des influences d’envergure sur le continent européen.
Omar Metioui et Begoña Olavide, complices depuis de nombreuses années croiseront leurs musiques anciennes et traditionnelles pour un concert qui établit un pont (kantara) entre les deux rives de la Méditerranée. Les chansons interprétées ici puisent leur origine dans les répertoires des noubas arabo-andalouses (à partir du VIIIe s.), des Cantigas de Alphonse X le Sage (XIIIe s.), des romances (à partir du XVe s.), des jarchas(poèmes en plusieurs langues), des sefardis… conservés grâce à la tradition orale pour le Maghreb et les sépharades et écrite pour les Cantigas. Les textes reviennent aux poètes andalous comme Ibn Quzmân, Ibn Sahl, Ibn Zaydûn, Ibn al-Khatîb, Al-Shushtari, Ibn Arabî, Ibn Khafaja… préservés malgré les différentes migrations des populations occasionnées par la chute des taifas (principautés).
Cette tradition musicale, presque éteinte dans la péninsule Ibérique, trouve ses lettres de noblesse au Maghreb, où est elle est considérée comme musique classique et savante sous des noms vernaculaires comme al-âla, malouf, çan’a, gharnati…
Les instruments choisis pour ce concert remontent à la même époque de gloire de la civilisation andalou-maghrébine comme le oud, le rebab, le rabel, le psaltérion, leqanoûn, le ney, le târ et la derbouka.