Ustaza à Paris

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Ustaza vous raconte…l’exposition « Cherchez l’erreur » à l’Institut des Cultures d’Islam

IMG_0021Deuxième grand rendez-vous de la saison pour l’Institut des Cultures d’Islam ce jeudi 15 janvier, avec le vernissage de « Cherchez l’erreur« , une exposition de Michket Krifa rassemblant des oeuvres de Shadi GhadirianZoulikha BouabdellahTanya HabjouqaNermine HammamRaeda SaadehGohar Dashti, et le poème We teach life, Sir de Rafeef Ziadah.IMG_0020

Après « Maroc : arts d’identités » qui abordait par l’art les multiples facettes de la société marocaine, « Cherchez l’erreur » met à l’honneur la vision de femmes issues de pays dont le quotidien est marqué par la guerre, larvée ou ouverte. Dans le sillage sanglant de printemps arabes gâtés, assurer un semblant de normalité au quotidien s’assimile à de la résistance face à une destruction de l’espace public et privé.

Difficile pour Jamel Oubechou, Président de l’ICI de ne pas faire le lien dans son discours d’ouverture entre les événements de la semaine passée à Paris et la thématique abordée par l’exposition, qui prend alors un sens tout particulier. L’ICI en effet a pour vocation de « faire émerger à Paris un lieu dédié à la création et la diffusion des cultures contemporaines en lien avec le monde musulman », participant ainsi d’une meilleure compréhension et de davantage d’interactions entre les cultures issues de cette région et les autres cultures présentes à Paris.

Rendant hommage à la marche historique de dimanche 11 janvier, il a plaidé pour davantage de tolérance et d’ouverture pour une cohésion nationale respectueuse de tous. Malgré les attentats des 7, 8 et 9 janvier nous vivons en France en paix et en démocratie, pendant qu’ailleurs des millions de gens tentent d’exister malgré la répression et l’arbitraire. C’est ce décalage incongru entre le militarisme ou l’occupation et la vie domestique que les six artistes palestiniennes, égyptiennes, iraniennes, algériennes et jordaniennes ont voulu souligner dans leur travail avec des mises en scène où l’absurde le dispute au surréalisme.

L’exposition commence d’emblée dans le hall de l’ICI Goutte d’Or par la série « Nil, Nil » de l’Iranienne Shadi Ghadirian qui interpelle : à première vue la photographe a immortalisé de jolies natures mortes d’une certaine modernité (un aspirateur et une machine à laver côtoient la plus traditionnelle corbeille de fruits, scène phare du genre). Mais quelque chose cloche…en se rapprochant la guerre hideuse saute aux yeux, dissimulée sournoisement dans ces pans d’un quotidien en apparence tranquille : une grenade goupillée trône entre bananes et oranges, une ceinture de treillis militaire apparaît parmi des draps blancs à laver. Quant aux fumeurs, un instant d’inattention et c’est une balle que vous porterez à vos lèvres.

Ce procédé de sérénité trompeuse est repris par l’Egyptienne Nermine Hammam, qui a délaissé un instant ses clichés saturés et idylliques de soldats en goguette (la série phare « Uppekha » est à retrouver à l’ICI Léon où le reste de l’exposition se trouve) pour réinterpréter l’esthétique picturale des artistes orientalistes et y ajouter un rappel amer de l’actualité. Non vous ne rêvez pas, entre almées et marchands d’esclaves indolents des soldats israéliens se sont glissés, comme si non satisfaits de s’imposer sur un territoire ces derniers s’étaient mis en tête d’occuper également le temps et l’Histoire des peuples voisins.

Le temps de quelques marches pour se reposer l’esprit -et faire bouger ses gambettes- et nous voilà au deuxième étage, guidés dans les escaliers par les autoportraits de la Palestinienne Raeda Saadeh, littéralement prise au piège par ces pierres dont on veut la déloger comme par celles que l’on construit pour l’empêcher de s’en aller.

Au calme dans le fond du bâtiment, les grands angles de l’Iranienne Gohar Dashti et de la Jordanienne Tanya Habjouqa semblent plus apaisés. Un couple étend son linge, des enfants fuient la chaleur estivale dans une piscine en plastique, un homme fume à côté de sa femme endormie et des amies s’abandonnent à une escapade en mer. Et pourtant dans « Today’s life and war » and « Occupied Pleasures » la guerre est la trame omniprésente où se tissent le fil ténu de ces quotidiens fragiles.

Au milieu de ces oeuvres en deux dimensions, les découpes à la fois délicates et acérées de Zoulikha Bouabdellah insufflent un mouvement et alternent avec des zelliges qui évoquent les intérieurs des mosquées. Encore une fois cependant, la guerre s’invite dans ces ornementations délicates qui se révèlent être une succession de missiles et d’avions de chasse de céramique judicieusement entremêlés.

Malgré un thème d’une telle gravité les photos, montages et sculptures exposés sont d’une fraîcheur étonnante. Plus encore, c’est de leur humilité que provient toute leur force. Face à cette démonstration magistrale de vie la question « cherchez l’erreur » prend alors tout son sens et la réponse s’impose comme une évidence : à l’ICI, l’erreur c’est le conflit. Sage postulat dont on ne peut que s’inspirer.

L’avis d’Ustaza : une exposition très réussie, à voir !

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