MUSIQUE. « Adoubés par la presse internationale, les marseillais de Temenik Electric secouent dans leur chaudron d’Arabian Rock, la puissance des transes orientales, les arômes d’une pop saturée, un groove peu farouche et les sonorités échappées de machines démoniaques. Né dans le Sud algérien à l’issue d’une résidence, Temenik Electric a pris son envol à Marseille sous les auspices du Café Nomad. Medhi Haddjeri, compositeur, témoigne : « La résidence a été intense. On s’est tellement fait plaisir qu’en rentrant ici, on a eu envie de prolonger cette aventure, tout en affirmant plus encore le côté rock de la chose ! ». A l’origine de Temenik Electric : une alchimie spontanée et naturelle entre cinq garçons, « enfants du rock et du chaâbi, de la pop et des musiques orientales », comme le souligne par ailleurs Medhi. Le sens de leur musique ? « Je me penche à la fenêtre et dis ce que je vois » lâche tranquillement Mehdi. Evoquant des thèmes tel que la désillusion de la jeunesse tunisienne actuelle (Ness Jirenin), le combat des femmes pour leur liberté (Hel el Bab) ou encore les histoires d’amour impossible (Haïnik), Ouesh Hada ? (Qu’est-ce que c’est ?) interroge et parle du monde, tout simplement, de ses bons côtés comme de ses mauvais travers, à la façon des griots africains ».
* Temenik Electric en concert, samedi 8 février à 20h30 (première partie assurée par Bibi Tanga) à l’Alhambra, 21 rue Yves Touédic (XXe). 17/22 €. Plus d’informations ici, réservations là.
INTERVIEW: Mehdi Haddjeri, chanteur, directeur d’une salle de concert, compositeur et musicien est dans son « laboratoire » lorsqu’il accepte gentiment de se prêter au jeu d’une interview pour UAP : à quelques jours du concert de Temenik Electrikc à Paris dans le cadre du festival Au Fil des Voix (à l’Alhambra samedi 8 février) il est tout entier à la création du deuxième opus du groupe, enseveli sous les instruments de musique et les ordinateurs. « J’écris et je compose, puis avec le reste de la bande j’arrange et je dérange ». Un voyage musical qui part du rock à la recherche de la musique maghrébine. Un processus collectif, où chacun amène sa propre touche, où qu’il soit : « de nos jours avec les dernières technologies il est devenu plus facile de faire de la musique mais il est plus difficile d’en vivre ».
Et quelle touche ! Se définissant comme de « l’arabian rock », Temenik Electric oscille entre la pure tradition rock dans laquelle chacun des membres a grandi et une double culture franco-algérienne qu’il est important pour Mehdi de mettre en valeur. « Nous nous sommes rendus compte qu’il n’y avait pas de frontières entre ces musiques là, mais uniquement des passerelles. Cela nous est apparu comme une évidence à la fois en tant qu’artistes et en tant qu’individus ». Et Mehdi de prendre pour exemple les similitudes entre le blues nord-américain et la musique gnawa, ou encore entre les rythmes populaires du Sahara et la transe. Avec précaution cependant : « c’est comme dans la vie, il peut y avoir des mariages ratés ! ».
Le choix de la langue arabe s’inscrit pleinement dans cette démarche : « Je chante dans cet dialecte algérien de Marseille « khalotta » », qui s’est enrichi au fil du temps de toutes les langues parlées dans la cité phocéenne. Un « parlé maghrébin du nord de la Méditerranée » qui n’est compris que part un tout petit nombre. Mehdi explique ce parti pris de chanter dans cette langue étrangère, ni de Paris ni d’Alger, en revenant sur sa découverte du rock, enfant ; « lorsque j’écoutais mes premiers albums de Lou Reed ou de Led Zeppelin je ne comprenais pas les paroles mais je ressentais ce qu’ils pouvaient raconter. En France il y a cette culture de la compréhension du texte et de l’obsession du texte qu’il n’y a pas ailleurs. Une fois à la fin d’un concert, un homme est venu me parler pensant qu’une de nos chansons qui parlait des haragas (immigrés clandestins) parlait d’amour ! S’exprimer dans une langue autre permet une plus grande liberté d’interprétation de la part du public »
Le mélange est plutôt réussi pour Ouesh Hada, le premier opus du groupe que vous aurez l’occasion d’écouter samedi : l’album aborde des thèmes universels qui rencontrent une résonance particulière sur la rive sud de la Méditerranée. « Nous parlons d’amour impossible (Haïnik), de la condition féminine dans les années 50 avec un parallèle entre Rosa Parks et une jeune femme de la région oranaise qui s’est battue contre la colonisation française (Hel el Bab). Le printemps arabe tient également une place importante dans cet album, et ce bien avant l’heure : début 2011 en revenant de Tunisie j’ai composé « Ness Jirenin » tant j’avais été frappé par le désespoir de certains ». Tout ça sur des rythmes endiablés et des mélodies électro-groovy, avec deux derboukas et un bendir à la place des toms de la batterie et le son de Mathieu, « machiniste-bibliothécaire ». « En somme, nous tentons d’aborder des sujets graves sous une forme légère ».
2014 s’annonce très bien pour Temenik Electric : un deuxième album, une tournée en Europe (des dates sont prévues en Italie, Allemagne et Belgique), voire une deuxième résidence sous des latitudes plus méridionales…En attendant, venez les (re)découvrir à l’Alhambra samedi prochain !
Retrouvez également l’interview sur le blog du Festival Au Fil Des Voix.