Avignon ! Les pas qui claquent sur les pavés, les tracts qui jonchent la chaussée, les affiches collées par paquets entiers…Et des spectacles, à n’importe quelle heure -ou presque- du jour et de la nuit. Le festival, c’est aussi ces noms de spectacles, qui circulent de bouche à oreille, et cette euphorie générale, sans compétition, sans élitisme particulier, sans déçus qui grognent d’avoir raté l’unique représentation de « la » pièce qu’il fallait voir cette année.
Ustaza est partie à la recherche des spectacles, dansés, joués et chantés de l’autre côté de la Méditerranée. Et quelle bonne pêche, à commencer par « A portée de crachat », de l’israélien Taher Najib.
« De Ramallah à Tel-Aviv en passant par Paris, Taher Najib raconte sur le ton de l’ironie douce-amère les tribulations d’un acteur palestinien confronte, partout où il va, a des images de lui-même qui lui sont étrangères : celle du guerrier arabe vengeur et victorieux aux yeux de son public de Cisjordanie ; celle du terroriste potentiel dans son propre pays, Israël, ou de toute façon il n’est jamais perçu ni traite comme un citoyen de plein droit. Un témoignage drôle et poignant sur les paradoxes de l’identité israélo-palestinienne.
Acteur palestinien de nationalité israélienne, Taher Najib a écrit cette pièce en hébreu, parce qu’il s’adresse d’abord aux Israéliens, qui effacent sans cesse un peu plus la Palestine de la carte. A travers des scènes du quotidien, A portée de crachat révèle un personnage attachant et complexe, son double, ballotté entre la grande Histoire et son métier de comédien qui l’amène à traverser les frontières, à vivre d’un côté et de l’autre, sans être vraiment chez lui nulle part. Par le détour du rire, cette pièce en forme de monologue-récit ouvre une réflexion sur l’identité, sur l’existence elle-même. Laurent Fréchuret met en scène le comédien Mounir Margoum dans cette partition entre poésie pure et satire cinglante.
On crache ou on se parle ?
J’aime les projets où l’acteur se donne entièrement à un auteur, et où, traversé par le texte, il lui donne une voix, un corps, et provoque un dialogue d’aujourd’hui. Le théâtre propose immédiatement un espace possible, où l’on peut « être » ensemble. Un programme politique artisanal, viable ici et maintenant. Un plan de survie. Mettre en scène le monologue A portée de crachat de Taher Najib, c’est engager un dialogue, car comme le dit Edward Bond, « nous ne pouvons délibérément renoncer au nom d’humain » ». (Laurent Fréchuret).
Traduction de l’hébreu Jacqueline Carnaud
Mise en scène Laurent Fréchuret
Interprétation Mounir Margoum
Assistance à la mise en scène Elise Vanderhaegen
Lumières, régie générale Michel Paulet
Production Théâtre de Sartrouville et des Yvelines–CDN
Texte aux éditions Théâtrales 2009, en partenariat avec la Maison Antoine-Vitez. Remerciements à l’ARCAL.
« A portée de crachat », du 14 au 28 juillet à midi, théâtre GiraSole, 24bis rue Guillaume Puy, Avignon. Durée: 1h15, recommandé à partir de 14 ans, Prix: 15 euros / 10 euros (Off) / 5 euros (demandeurs d’emploi).
Plus d’informations sur le site du théâtre GiraSole, espace attitré de la Compagnie Gilgamesh*
* Pour la petite histoire, la compagnie Gilgamesh a été créée et est actuellement gérée par Fida Mohissen, Syrien installé en France depuis quelque temps déjà…